Maîtresse Saylie

Cinq questions à Maîtresse Saylie 

Entrevue numéro 5 : les scénarios

Hercule Doré fait toujours preuve d’un calme olympien. Il ne laisse transparaître aucune excitation. Attention : je ne dis pas qu’il s’en fiche. Je ne dis pas qu’il est indifférent, qu’il attend impatiemment la fin de chaque rencontre. Ce serait même le contraire. C’est un journaliste passionné, éclectique, qui choisit ses sujets et ses interlocuteurs avec soin.
Je le dis calme car il ne laisse pas ses émotions déborder ou entraver le cours de notre communication. Droit, le stylo et l’esprit pleinement aiguisés, il note, il entoure, il enchaîne avec acuité.
Aujourd’hui, nous allons parler de scénarios. Ceux qui structurent mes séances BDSM, tout en laissant une place à des moments de spontanéité.

Qu’entendez-vous par « scénario » lors d’une rencontre dans votre donjon ?

Le scénario correspond à la trame de la session – ou de plusieurs sessions, dans le cadre d’un suivi. Il s’agit de donner du volume, du sens, de contextualiser les jeux d’impact, les moments de vénération, l’utilisation des sextoys. La scénarisation est très précieuse, car elle invite à la cérébralité. Elle éloigne d’une approche trop « fonctionnelle » pour titiller l’esprit et le corps dans un même temps.
Le pouvoir créateur de notre cerveau, conjugué à celui de notre âme, donne des merveilles. J’emmène mes soumis dans un autre univers, érotisé, autoritaire, qui emprunte à toutes sortes d’imaginaires. Ce n’est pas du « sexe » pour le « sexe ». Et j’y tiens.

Vous semblez passionnée par la question. Qu’est-ce qui vous plaît tant dans cette idée ?

Le plus excitant, c’est d’invoquer des univers fantasmagoriques différents. Certains en appellent à un érotisme absolu. D’autres puisent dans les codes de l’univers médical, de la relation maîtresse/étudiant, pourquoi pas de la thématique policière. Nous jouons alors chacune et chacun un rôle prédéterminé, amené à évoluer au fil des minutes passées, puis au gré des rendez-vous, lorsqu’ils sont réitérés.
Parfois, et toujours avec l’accord du dominé, j’ajoute à l’équation un(e) autre soumis(e). Ils ont tous les deux consciences des limites à ne pas franchir. L’espace de divertissement érotique doit systématiquement être safe. La moindre attitude laissant supposer un mépris du consentement avorte absolument la séance.
Parmi les combinaisons et les variations possibles, il y a celles et ceux liés à la transsexualité, systématiquement placés sous le signe de la bienveillance. Ils permettent de varier les plaisirs, les genres, explorant la féminité et le renoncement à la virilité en miroir, en contrastes.

J’entretiens des liens très cordiaux, voire amicaux, avec d’autres dominas. L’existence d’une sororité implique une très précieuse complicité. Nous organisons ainsi des « chassés-croisés », où les signatures de chacune s’entremêlent. Où les idées se font écho. Chacune amène ses jouets, certaines leurs joueurs.
Selon les configurations, il m’arrive d’être voyeuse, spectatrice plutôt qu’actrice, et c’est une posture délicieuse. Je me délecte de la scène qui se déroule sous mes yeux, découlant du scénario rédigé en amont. Le fouet claque, le gode pénètre, les tétons en prennent pour leur grade selon une progression imaginée par mes soins.
Je suis directive, mais pas nécessairement restrictive – sauf si un(e) participant(e) va trop loin et compromet sa sécurité/celle d’autrui. Ainsi, le canevas établi se jumèle souvent à des élans inattendus, à des gestes ambitieux. Ce sont des moments merveilleux. Dans le sens brut du terme : on y saisit les merveilles de l’esprit humain.

Élaborez-vous un scénario spécial pour chaque soumis ?

Oui, en effet. Même si certains grands schémas reviennent, je ne suis pas du genre à « copier-coller ». Cela serait peu respectueux, et j’en perdrais vite la motivation, l’envie de soumettre.
Au demeurant, et y compris avant la première séance, je projette les balises du processus, les moments forts, les inspirations dominantes. Et pour cause. *Rire*. Les repères garantissent une certaine fluidité.
Puisque j’échange avec la personne par messages ou au téléphone, je peux commencer à la cerner, à jauger son caractère, ses préférences, ses limites… Cela facilite la première approche.

Maitresse Saylie BDSM Paris escarpins badine
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Existe-t-il des scénarios inscrits dans le temps ?

Absolument. C’est une dynamique fondatrice lors des séances BDSM que je dirige. Même si elle n’est pas obligatoire, l’installation d’une cohérence scénaristique et symbolique donne une concrétude supplémentaire à cet univers intimiste.
Parfois, souvent, cela induit une évolution chez mes mâles menés. Il apprend, comprend beaucoup de choses à propos de lui-même. Le jeu est un terreau fertile à cette introspection. Il lève un grand nombre de barrières, de non-dits. Il favorise l’expression des désirs profonds, qu’il ne s’agit pas nécessairement de satisfaire, mais que les mises en scène aident à conscientiser.

Je suis heureuse de les aider à progresser. Je ne prétends pas tout régler, tout arranger : la vie est parfois compliquée. Mais un simple conseil, un léger rappel suffit parfois à provoquer des déclics. Parmi les dominés que je rencontre régulièrement, certains ont perdu du poids, arrêté de fumer ou adopté une meilleure attitude face aux autres suite à nos conversations, nos saynètes, nos retours sur tel ou tel moment du jeu.

Quelque chose à ajouter pour la fin de cette entrevue, Lady Saylie ?

Oui. J’aimerais mettre en exergue les vertus de la féminisation. Elle se prête à des scénarios vraiment intéressants et jouissifs. L’homme devient une soubrette, une servante, toute consacrée au respect de mes consignes. J’apprécie pleinement le travestissement ; dans le sens noble et respectueux du terme. À de nombreuses reprises, les sous-vêtements féminins, le maquillage, les perruques participent d’une certaine subversivité contrôlée.
Tout ce qui se rapporte à l’adoration me délecte également. Je crois que nous y consacrerons une entrevue. Je réserve mes commentaires pour ce moment-là.
En tout cas, vous l’aurez compris : la scénarisation fait partie intégrante de mon univers. Je la maîtrise en tant que maîtresse, je deviens cheffe d’orchestre, menant l’homme à la baguette, parfois en groupe, parfois dans une dynamique de face à face. Je suis ouverte aux suggestions, car j’aime mes dominés cérébraux, cultivés, prêts à donner de leur intellect pour sublimer une activité.