Maîtresse Saylie

Cinq questions à Maîtresse Saylie 

Entrevue numéro 6 : vénération et adoration

Aujourd’hui, juste avant d’entamer l’habituelle session de questions, je présente à Hercule Doré ma généreuse collection de sextoys. Il s’en décline de toutes les formes, invitant aux plaisirs les plus divers, aux jouissances les plus variées, aux frémissements les plus subtils. Je range dans un grand bac en ébène des accessoires érotiques dont certains restent réservés aux ambitieux ; sans jamais, toutefois, être dangereux. Stimulateurs, plugs, règles de correction, matériel d’électrostimulations… il y en a pour tous les goûts, toutes les sensations.
Le journaliste ne touche pas, évidemment, mais regarde attentivement ces jouets malicieux, m’interrogeant quant à leur fonctionnement. Non qu’il ignore la réponse, car Monsieur est expert ès BDSM ; il veut simplement entendre une explication faite maison, façon Lady Saylie. Les mots que j’emploie aiguiseront sa plume.
Une fois ce petit tour des délices achevé, nous nous installons, et l’échange de questions/réponses peut commencer. La thématique du jour ? L’adoration et sa jumelle conceptuelle, la vénération.

Qu’est-ce que la vénération et l’adoration en BDSM ?

L’adoration et la vénération sont deux pratiques conjointes. Elles consistent à placer la dominatrice sur un piédestal, sciemment. Le soumis devient un page dévoué, un serviteur transi ne jurant – sans vulgarités – que par sa lady adorée. Adorée, donc, sachant que ce mot dérive du latin « adorare », signifiant « prier ».
Il ne s’agit pas d’une « prière » au sens religieux du terme. Naturellement, le dominé n’est pas supposé renoncer à ses croyances personnelles parce qu’il pousse les portes de mon donjon. En revanche, il y a bien l’idée de sacraliser, un peu comme au sein d’une cérémonie princière, royale. La symbolique joue un rôle essentiel, ne serait-ce que sur le plan spatial.
Lors de ces sessions toutes particulières, le mâle-mené est souvent à mes pieds ; du moins il ne dépasse point le niveau de ma poitrine. La domination se déploie au cours d’une mise en scène généralement langoureuse, où l’homme fait montre d’une grande délicatesse. La révérence est tantôt verbale, tantôt muette, se traduisant alors dans les gestes, les postures.

Comment vivez-vous ces moments-là, en tant que dominatrice ?

Je les adore. De loin, on pourrait penser que le BDSM se limite à une série de flagellations sous fonds d’insultes ; c’est en réalité bien plus complexe que cela. La maîtresse reste avant tout une femme. Notre société occidentale se défait progressivement du patriarcat… toutefois les clichés machistes, les stéréotypes faciles concernant la gent féminine ont la dent dure. Les séances d’adoration prennent le vieux paradigme phallocratique à revers, car le porteur du phallus révère.
On peut imaginer de nombreux scénarios intégrant ces rites dévots. Ils accompagnent parfaitement le dog training, typiquement. Bien à quatre pattes, le toutou n’a d’yeux que pour sa déesse païenne, dont il pourra, moyennant son accord, déguster les orteils… et, s’il se montre suffisamment sage, apprécier les tétons.

Que répondriez-vous à quelqu’un qui trouverait cela pervers ou malsain ?

J’aime la manière dont vous anticipez les saillies des détracteurs potentiels. Selon moi, le contexte, ou plutôt la contextualisation importe beaucoup. Ici, la vénération ne s’orchestre pas gratuitement, de manière forcée ou contraignante. Il y a un contrat d’appartenance défini en amont. Le client sait exactement pourquoi il est là. Lui-même prend du plaisir à cet exercice charmant, à cette chorégraphie sensuelle et belle.
Aussi, je récuse les accusations de « prétention » ou d’« égocentrisme ». Au-delà du moi, il y a la féminité que j’incarne ; je fais partie d’une sororité. Ainsi, lorsqu’un homme se met à mes pieds, il vénère aussi l’égérie, la muse, la mère, rétablissant un équilibre trop souvent rompu.

BDSM Domination Paris Maitresse

L’adoration et la vénération me semblent être des approches… particulièrement douces. C’est le cas ?

Oui, absolument. Il y a un contraste avec les jeux d’impact et autres activités plus… pimentées. Ici, le temps s’arrête, il se suspend tout du moins. L’instant X devient presque mystique, spirituel, au gré des caresses, des petites attentions, des mots véhiculant l’adoration.
Là encore, on s’éloigne fortement du sado-masochisme frontal et clinquant. La lenteur, la langueur l’emportent sur les claquements. À condition de s’abandonner, de renoncer au plaisir facile, de se montrer attentive/attentif aux frissons, aux émotions, on ressent une forme de plénitude tout à fait délectable.

Il n’y a aucune horizontalité, évidemment ; par essence, lors d’une révérence, le soumis se dédie à la satisfaction de la domina. Toutefois, la dynamique autoritaire se révèle moins prononcée, moins pertinente qu’à d’autres moments. L’heure est à l’apaisement, à la tranquillité – il me plaît beaucoup d’alterner les phases énergiques et alanguies, formant un tout délicieusement érotique.

Voudriez-vous ajouter quelque chose ?

J’aimerais préciser que la vénération et l’adoration invitent à une vraie cérébralité. C’est pourquoi je choisis soigneusement les dominés. Les références culturelles, les adresses lacaniennes font des merveilles. Je ne cherche aucunement des dictionnaires sur pattes, mais des hommes suffisamment habiles au moment de conjuguer, de marier les concepts, les idées, car chez moi le BDSM est foncièrement intellectualisé.
Je profite de cette conclusion pour inviter les intéressés à se manifester. Lors des premières conversations, je donne suite ou non, en toute liberté. Celui qui a l’honneur de découvrir mon boudoir dans le 5e arrondissement de Paris sait alors à quoi s’en tenir.
Les platitudes pornos, les raccourcis sans substance – tout cela n’a pas sa place chez Lady Saylie. L’adoration se joue comme une véritable ode au style, idéale à instiguer le lâcher-prise de mes mâles dociles.